On s'appelle ?

L’observation terrain pas à pas

Façons de travailler

Le mois dernier, nous vous avons partagé en quoi l’observation du travail dans un projet de transformation nous paraît importante.

Dans cet article, nous vous partageons les ingrédients qui permettent de réaliser cette observation et d’en tirer des apprentissages de qualité.

La préparation, un moment à ne pas bâcler !

Une bonne observation terrain démarre toujours par une bonne préparation.

Il s’agit en premier lieu de noter l’ensemble des questions auxquelles nous cherchons à apporter un éclairage. Nous prenons pour cela un temps pour récolter l’ensemble des convictions, zones d’ombres et questionnements auprès du commanditaire et/ou de l’équipe projet et les traduisons sous forme d’hypothèses à tester.

A partir de cette matière, nous préparons une grille d’observation qui nous servira de guide pendant l’observation. Dans notre pratique, nous faisons en sorte de ne pas avoir une grille trop précise afin d’éviter de s’enfermer lors de l’observation et de rester ouvert à ce qui se produit dans la situation.

Si l’observation terrain semble, en première approche, simple, la question du « quoi noter et comment » est plus épineuse qu’il n’y paraît. En effet, ce que nous voyons en situation est lié à nos filtres de représentation. Le risque pour un observateur est « de ne rien voir ou de ne voir que ce qu’il projette de ses expériences antérieures dans une situation nouvelle » (S. Beau et F. Weber, Guide de l’enquête terrain, 2012).

Comment ne pas être biaisé par cela et être le plus objectif possible ? Pour nous, cela passe par une bonne connaissance de ses projections et croyances. En amont, nous nous interrogeons donc sur ce que nous nous attendons à voir et listons ces éléments afin de les garder en tête. Nous pourrons ainsi les interroger lors de l’observation voire les mettre à distance.

 

Sur place : multiplier les regards 

Pour nous aider à rester le plus ouvert possible à ce qui se produit dans la situation, nous faisons l’exercice de noter un maximum d’éléments en restant au plus près de leur déroulement. Comment cela se traduit ? Souvent par des pages et des pages de cahier griffonnées d’un maximum d’observations descriptives les plus factuelles possibles.

L’observation, c’est aussi des moments de silence durant lesquels l’observateur saisit et se laisse traverser par ce qui se joue devant lui en essayant de se faire “oublier” par le sujet observé. 

Lorsque cela est possible, il est intéressant d’observer à plusieurs une même situation de travail à des moments différents et réalisée par des travailleurs différents. Deux observateurs, c’est confronter les regards et les grilles de lecture des situations. C’est aussi se donner la possibilité de saisir plus d’informations, plus d’éléments de chaque situation.

Nous aimons également observer une même situation de travail à plusieurs reprises afin de distinguer ce qui se répète de ce qui est singulier de chaque situation. Il est également pertinent, lorsque la situation d’observation s’y prête de pouvoir observer la même situation réalisée par des travailleurs différents, là encore pour distinguer le commun du singulier.

Les entretiens pour ne pas préjuger du travail de l’autre

Le ou les temps d’observation se poursuivent généralement d'entretiens contextuels avec les personnes observées.
L'objectif est de les questionner sur leur travail pour comprendre les pratiques observées et limiter les brais d'interprétation de la situation en y calquant d'autres cadres de référence.

Ces entretiens n’ont pas pour objectif de faire dire quelque chose à la personne mais bien de saisir le sens de l’action, de cerner pourquoi le travailleur entreprend telle ou telle action. Dans notre pratique, ces entretiens ont lieu, dans la mesure du possible, juste après le temps d’observation.

Si cela n’est pas réalisable, il peut être intéressant que l’observation soit couplée d’un enregistrement. L’enregistrement servant de matériaux support dans le cadre d’un entretien ultérieur.

L’analyse : transformer la matière en apprentissages

Une fois le recueil des observations et des entretiens terminés, nous passons à l’analyse. Au départ, cela se traduit souvent par un mur (digital ou physique) couvert de post-it reprenant la matière récoltée sur le terrain. Nous identifions ensuite les éléments qui se rapprochent ou s’associent pour former des thématiques.

A partir des grandes hypothèses posées en phase de préparation avec le commanditaire et l’équipe nous venons associer les éléments observés et cherchons donner du sens à ces ensembles.

Dans notre pratique, nous trouvons intéressant à ce moment-là de sortir la liste des éléments que nous nous attendions à voir (rédigée en phase de préparation) pour nous assurer de ne pas resserrer l’analyse sur ces simples éléments.

Le livrable de sortie peut prendre différentes formes selon l’objectif de l’étude, la technique d’observation adoptée et la population ciblée par le document de sortie : une simple analyse illustrée, un Service Blueprint, des scénarios d’usage,... L’essentiel est qu’ils soient exploitables par le commanditaire et qu’ils soient au service de la transformation.

 

En synthèse, quels sont les ingrédients pour une bonne observation terrain ?

En amont :

  • Poser les à priori,
  • Préparer ma grille d’observation à partir de ce que je dois observer
  • M’interroger sur ce que je projette de la situation de travail, sur les travailleurs, …

Sur place :

  • Noter ce que je vois de la manière la plus exhaustive possible et la plus factuelle
  • Observer à plusieurs, sur plusieurs moments et plusieurs personnes
  • Poursuivre par des entretiens avec les personnes observées

En analyse :

  • Ne pas avoir peur de la masse d’information recueillie et prendre le temps de poser toute cette matière comme insight de départ à l’analyse
  • Procéder à tâtons à l'aide par exemple d’une matrice d’affinité
  • Reprendre les hypothèses et les projections de départs pour écarter mes propres croyances et projections
  • Synthétiser les apprentissages sous la forme la plus appropriée au regard de l’objectif, la pratique et la cible à laquelle s’adresse le livrable

Retrouvez notre 1er article sur le sujet : Pourquoi observer une transformation ? 

Article rédigé par

Charlotte May-Carle

Co-pilote du changement