On s'appelle ?

Pourquoi un CODIR, n’est pas souvent une équipe collaborative ?

Transformation organisationnelle

Dans les organisations, les comités de direction sont souvent prescripteurs de chantiers visant à plus de collaboration et de transversalité. Pourtant, ils sont rarement une équipe collaborative. Dans cet article, je vous propose quelques hypothèses pour mieux cerner en quoi la collaboration est difficile dans ces instances.

Quelle est la mission d'un CODIR ?

Un comité de direction, CODIR est généralement une instance ou l’on échange de l’information. Cette information est souvent en direction des équipes, descendante. Parfois elle est montante : remonte des équipes à l’adresse de la Direction.

C’est également une instance où l’on se répartit le travail à réaliser -aussitôt délégué à des équipes opérationnelles- mais où il n’est jamais ou rarement question de s’investir, ensemble, dans la production d’un livrable.

Cela pose question. Peut-on être un bon prescripteur, un bon sponsor de pratiques et de postures que l’on n’arrive pas à instancier dans ses propres usages ?

Ce procédé rhétorique appelle à une réponse franche et massive : NON !

 En réalité, je crois qu’il faut apporter quelques nuances sur ce non, mais ce sera, là aussi, l’objet d’un prochain article intitulé « les cordonniers mal chaussés peuvent-ils être de bons cordonniers ? » -

En l’occurrence, lorsqu’il s’agit d’un CODIR prescrivant plus de collaboration au reste de l’entreprise, cela me parait évident. Nous avons besoin d’exemplarité et d’incarnation. L’équipe de direction se doit d’expérimenter pour elle-même les postures, les pratiques, les bonheurs et les malheurs de la collaboration pour être suivie dans son intention de transformation.

Alors pourquoi est-il difficile de collaborer au sein d’une équipe de direction ?

Je suggère quelques hypothèses :

Collaborer, ça ne va pas de soi !

La collaboration impose en premier lieu d’accepter de dépendre des autres et personne n’est spontanément attiré par cette idée.

Pour accepter cette situation de dépendance, il faut y trouver un intérêt supérieur aux désagréments que cela engendre. Par exemple, il faut sentir de l’écoute, de la considération, trouver un enrichissement personnel au dialogue avec les autres, se sentir fédéré autour d’un objectif qui ait du sens, porté par une vision inspirante, embarqué dans une aventure enthousiasmante… ensemble.

Il faut trouver dans l’environnement social de quoi satisfaire ses besoins personnels.

Les hautes instances dans les organisations sont les plus contraintes

Cette difficulté liée à l’évitement des situations de dépendance est augmentée dans les équipes dirigeantes par le fait que plus « on monte » dans un organigramme plus on dispose traditionnellement d’espace de liberté, de marge de manœuvre, de pouvoir. Il est donc souvent plus facile de s’affranchir de ces contraintes. Mieux encore, lorsqu’on est débarrassé de tout exercice de production en collaboration, les relations avec nos pairs ont tendance à s’améliorer. Comme le dit si justement François Dupuy : "le meilleur moyen d’assurer la paix des ménages c’est l’absence de collaboration".

 

Loin de la production et du client final

Le fait de se tenir à l’écart des exigences de production pour le client final n’aide pas à trouver les ressorts de la collaboration. Dans une équipe opérationnelle, délivrer un produit ou un service pour le client impose généralement, en soi, un certain niveau de coopération.

Cela est amplifié lorsque la structure dirigée par le CODIR est elle-même à l’écart des clients finaux, comme c’est le cas par exemple des GIE ou des fonctions centralisées dans des filiales qui servent des clients internes captifs.

La structuration des organigrammes est souvent construite autour d’une répartition d’objectifs parfois contradictoires entre les directions. Il est donc naturel que chacun soit concentré sur sa cible et ne cherche surtout pas à tenir compte des enjeux des autres.

Un cas typique : les rivalités entre directions commerciales et directions en charge des relations clients. Les premières cherchent à vendre, les secondes à fidéliser. Si ces deux objectifs sont traités sans tenir compte de l’un de l’autre, on voit souvent des catastrophes sur les deux plans. Même chose entre les directions métiers et les achats. Les uns portent souvent la responsabilité de produire de la valeur, les autres de réduire des coûts. Cela pose inévitablement des problèmes de coopérations alors que du point de vue de l’entreprise l’enjeu est d’optimiser les retours sur investissements sans possibilité, donc, de traiter séparément la valeur d’un côté et les coûts de l’autre.

 

Un objectif du management souvent flou

Peu d’entreprises s’interrogent sur la valeur qu’elles entendent produire par l’action des managers. Or le CODIR est la première instance managériale. Si la mission du management n’est pas définie, on peut imaginer que la mission du CODIR ne soit pas très claire non plus.

 

La supervision est nécessaire pour mener à bien sa mission de CODIR

L’idée n’est pas de stigmatiser les personnes qui vivent ces situations. A mon humble niveau, je fais peser le risque de causer ces problèmes dans ma propre entreprise. Cela induit probablement la nécessité d’une supervision pour ne pas se prendre les pieds dans le tapis. Mais le fait de co-construire une vocation, une vision, une stratégie, de ritualiser des pratiques collaboratives, de définir la mission du management et du CODIR me semble être une base indispensable au développement d’une dynamique collaborative d’entreprise.

Article rédigé par

Clément Duport

Co-pilote du changement